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Édité grâce aux encouragements des 132 donateurs.rices de notre campagne de financement participatif, ce troisième numéro de fig. a marqué le tournant de la revue vers son format actuel. Il s’en est allé à contre-courant de l'opinion commune, le paradoxe étant un outil de réflexion capable de se heurter à la raison comme les systèmes économique et politique peuvent parfois se heurter à la discipline architecturale. Ce numéro dérive alors entre les affichages urbains de Ruedi Baur, les rues de Tbilissi, dans l’abécédaire du starchitecte, à l’intérieur des grotesques WC publics de Plochingen où dans le fabuleux plan séquence de l’Arche Russe (Alexandre Sokourov). On y discute aussi du lien entre capitalisme et création multidinaire, du métier d’architecte, du danger de vouloir Réinventer Paris, de la frontière entre la Turquie et l’Arménie et de la crise du son moderne. Autant de voix, de lieux et de sujets qui gelaient les lumières illusoires dont notre époque s’auréole, pour en figurer les ténèbres, les taches et les contradictions.

© photos
Chantal Casanova

fig. #3

titre paradoxe

2016

190 x 255 mm

132 pages

ISSN
2493-3597

16 €

édito

« Les mots — je l'imagine souvent — sont de petites maisons, avec cave et grenier. Le sens commun séjourne au rez-de chaussée, toujours prêt au « commerce extérieur », de plain-pied avec autrui, ce passant qui n'est jamais un rêveur. Monter l'escalier dans la maison du mot c'est, de degré en degré, abstraire. Descendre à la cave, c'est rêver, c'est se perdre dans les lointains couloirs d'une étymologie incertaine, c'est chercher dans les mots des trésors introuvables. Monter et descendre, dans les mots mêmes, c'est la vie du poète. Monter trop haut, descendre trop bas est permis au poète qui joint le terrestre à l'aérien. Seul le philosophe sera-t-il condamné par ses pairs à vivre toujours au rez-de-chaussée ?»
Bachelard, La poétique de l’espace, Presses Universitaires de France, Paris, 1958, 215 pages

Ici, dans ce troisième numéro de fig., le sens commun des choses, et leur complexité inattendue, sont mis au défi ou simplement démontrés. Le paradoxe est en effet un outil de réflexion capable de limiter une idée ou au contraire de la renforcer. D’une certaine manière, il se heurte à la raison comme le système économique et politique peut se heurter à la discipline architecturale.

Ici, tous les figurants sont des rêveurs en phase de sommeil paradoxal, mais les yeux bien ouverts. Curieux d’aller fouiller dans la cave et le grenier de l’architecture, du graphisme et de l’opinion publique, ils dessinent de nouveaux couloirs, parfois peu éclairés, et ouvrent de nouvelles portes, peut-être déjà ouvertes.

Ici, ce n’est pas le paradis (qui n’est qu’une conciliation des contraintes). Non ici, l’enclos-même est le lieu du paradoxe. L’artiste, ou l’architecte, ne peut être unilatéral, comme ne devrait d’ailleurs pas l’être le politique; il a la responsabilité de prendre en compte, dans son acte, les contradictions inhérentes à la réalité. Ce numéro propose d’imprimer quelques incohérences contemporaines d’une ère où l’on réinvente les villes et les sentiments humains depuis des tours de verres. Mais cette force qu’a l’architecture repose ailleurs, loin du contrôle, dans son souffle de persuasion.

Maintenant, pas de tendances mais de l’émancipation. Il faut plonger à la fois dans le temps et dans le(s) sens; découvrir l’influence réciproque de ces figures. Il faut interpréter, monter trop haut et descendre trop bas, afin que le monde ne continue pas de changer sans nous, et recevoir l’obscurité de son présent en pleine face. Maintenant, il faut geler les lumières illusoires dont notre époque s’auréole, pour en figurer les ténèbres, les taches et les contradictions.

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